De nombreuses petites et moyennes entreprises (PME) françaises ont amorcé leur transition digitale ces dernières années. Toutefois, certains secteurs d’activité restent nettement en retard en matière de numérisation, ce qui représente des opportunités pour développer des logiciels et outils spécifiques destinés à ces domaines. Ci-dessous, nous détaillons cinq types d’entreprises (secteurs) parmi les moins digitalisés en France, où de nouvelles structures se créent régulièrement et qui pourraient bénéficier de solutions numériques et d’agents IA conçus sur mesure.
Figure : Taux de TPE/PME proposant la vente en ligne par secteur (Baromètre France Num 2024). Les secteurs de l’hébergement-restauration (49 %), du commerce (43 %) et de l’agroalimentaire (36 %) sont en tête. À l’inverse, les transports-logistique (15 %) et, à 13 %, les services à la personne, le BTP et les activités financières affichent les plus faibles taux de digitalisation commerciale.
1. Exploitations agricoles et agriculteurs

Le secteur agricole est souvent cité comme l’un des maillons faibles de la digitalisation en France. Une étude de l’EM Normandie sur 213 petites exploitations a souligné le retard global en matière de numérisation dans l’agriculture. Mis à part quelques outils de pilotage (ex. robots de traite dans l’élevage), les fermes sont peu équipées numériquement, l’élevage présentant le plus faible taux d’équipement digital. Les chercheurs expliquent ce retard par la pluralité des offres technologiques qui désoriente les agriculteurs, ainsi que par le manque d’interopérabilité des outils : face à une offre pléthorique (startups, fournisseurs, coopératives, etc.), beaucoup ne savent quel outil choisir, d’où une adoption faible et des solutions souvent non connectées entre elles. Ce paradoxe fait que la digitalisation compliquerait parfois le travail au lieu de le simplifier dans ce secteur.
70 % des entreprises agricoles voyaient un bénéfice au numérique, un taux stagnant (contre 80 % des TPE-PME tous secteurs confondus, en hausse)
FranceNum.Gouv
Conséquence de ce retard, les agriculteurs sont moins convaincus de l’utilité du numérique que d’autres entrepreneurs. Entre 2020 et 2022, environ 70 % des entreprises agricoles voyaient un bénéfice au numérique, un taux stagnant (contre 80 % des TPE-PME tous secteurs confondus, en hausse). De plus, 41 % des agriculteurs déclarent ne pas avoir de projet numérique concret et près d’un tiers n’ont aucun budget prévu pour le numérique. Pourtant, il se crée régulièrement de jeunes entreprises agricoles (micro-fermes, producteurs locaux en circuit court, etc.), ce qui ouvre la voie à des outils modernes pour améliorer la gestion de l’exploitation, le suivi des cultures/élevages, la vente en ligne de produits fermiers et l’optimisation des coûts. Des solutions numériques dédiées à l’agriculture (capteurs IoT, logiciels de gestion de parcelles, marketplaces agricoles) pourraient automatiser les tâches répétitives et aider ces PME rurales à gagner en efficacité. À terme, même l’adoption d’IA spécialisées (pour la prévision des rendements, l’assistance à la décision sur les cultures, etc.) peut apporter une valeur ajoutée – or actuellement seulement 4 % des TPE/PME agricoles utilisent des solutions d’IA (un des taux les plus bas tous secteurs). Ce faible niveau d’équipement numérique dans l’agriculture en fait un secteur prioritaire pour le développement d’outils adaptés et conviviaux.
2. Artisans du bâtiment et construction (BTP)
Les PME du bâtiment et des travaux publics (BTP) figurent parmi les entreprises les moins digitalisées. D’après le Baromètre France Num 2024, les secteurs du BTP, des services à la personne et de certaines activités financières sont ceux où la vente en ligne est la plus rare (seulement 13 % des entreprises du BTP proposent le paiement ou la vente en ligne). Plus globalement, le niveau d’équipement numérique dans le BTP reste faible, l’agriculture et le BTP étant explicitement pointés comme “en retrait” dans l’adoption d’outils digitaux. Ce retard s’explique en partie par la perception de nombreux dirigeants que “le numérique n’est pas pertinent” pour leur activité de chantier traditionnel.
En pratique, beaucoup de petites entreprises du bâtiment fonctionnent encore avec des moyens rudimentaires : multiplication des fichiers Excel, paperasse, emails épars et logiciels non connectés. Seule une minorité des sociétés de construction est équipée de solutions numériques intégrées couvrant l’ensemble de leurs processus. Cette fragmentation entraîne une perte de temps et des risques d’erreurs (informations ressaisies plusieurs fois, devis ou factures égarés, suivi de chantier approximatif). Par exemple, un conducteur de travaux peut passer 5 à 10 heures par semaine juste à rechercher des documents ou à ressaisir des données administratives. Ces tâches chronophages sans valeur ajoutée pèsent sur la productivité et la rentabilité.

Le secteur du BTP voit pourtant naître de nouvelles entreprises chaque jour – en 2024, près de 89 000 créations d’entreprises dans la construction ont eu lieu, qu’il s’agisse d’artisans indépendants (plombiers, électriciens, maçons, etc.) ou de petites sociétés de rénovation. Ce dynamisme, combiné au retard numérique actuel, constitue une opportunité de marché pour des logiciels métiers. Des outils dédiés (par ex. gestion de chantiers, devis/facturation BTP, suivi des sous-traitants, pilotage des coûts en temps réel) pourraient aider ces PME à moderniser leur gestion. L’introduction d’ERP de chantier ou d’assistants virtuels capables d’automatiser la planification, d’optimiser les approvisionnements ou de signaler les écarts budgétaires peut apporter un gain de productivité significatif. De fait, la transformation digitale est devenue “un enjeu vital” pour le BTP afin de rester compétitif sur les délais et les marges. L’adoption de tels outils reste faible aujourd’hui, ce qui laisse un gisement d’amélioration important pour les PME du bâtiment prêtes à investir dans le numérique.
3. Transports et logistique (TPE du transport routier, livraison…)
Le secteur des transports et de la logistique accuse également un retard notable dans la transition numérique des petites entreprises. Seules 15 % des TPE-PME de ce secteur proposent des ventes ou services en ligne (par exemple réservation ou paiement en ligne), ce qui en fait l’un des domaines les moins digitalisés commercialement. Plus largement, les entreprises de transport figurent parmi celles ayant “du mal à s’adapter” au numérique. Ce constat englobe tant les petits transporteurs routiers (camionneurs indépendants, TPE de livraison) que les artisans du transport de personnes (taxis, VTC hors plateformes). Beaucoup fonctionnent encore de façon traditionnelle, via le téléphone, des tableurs ou des documents papiers pour gérer commandes et plannings.

Néanmoins, le secteur est en pleine expansion entrepreneuriale : en 2024, les transports et entreposage ont connu 106 700 créations d’entreprises, une hausse de +25 % par rapport à l’année précédente. Ce boom est porté par une vague de micro-entrepreneurs profitant de la demande en livraison et mobilité (par exemple, +15 700 créations en livraison de repas et +2 000 en activités de chauffeurs VTC par rapport à 2023). Ces nouveaux entrants utilisent certes des plateformes numériques grand public (applications de mise en relation) pour trouver des clients, mais restent peu outillés pour la gestion interne de leur activité (facturation, optimisation de tournées hors plateforme, comptabilité, suivi de maintenance des véhicules, etc.).
Il existe donc un réel besoin en solutions spécialisées pour ces PME du transport. Des logiciels ou applications d’optimisation logistique (planification d’itinéraires, gestion des cargaisons, suivi en temps réel des livraisons) adaptés aux petits acteurs pourraient améliorer leur efficacité. De même, des outils d’automatisation administrative (édition de documents de transport, gestion des factures et notes de frais, conformité réglementaire) feraient gagner un temps précieux aux dirigeants souvent seuls à tout gérer. À plus forte raison, l’IA appliquée au transport (par exemple des algorithmes d’apprentissage pour optimiser les tournées en fonction du trafic, ou des chatbots pour la relation client des petites sociétés de livraison) est encore peu répandue dans ces structures. Investir dans de tels outils sur mesure permettrait à ces entreprises de combler leur retard numérique et d’améliorer leur rentabilité dans un secteur ultra-concurrentiel.
4. Petites industries manufacturières (ex : agroalimentaire artisanal)
Parmi les PME industrielles, celles de l’industrie manufacturière traditionnelle, en particulier dans l’agroalimentaire, sont en retard dans la transformation digitale. Les grandes entreprises de l’agroalimentaire utilisent depuis longtemps des systèmes numériques, mais de nombreuses petites unités de production (brasseries artisanales, producteurs de spécialités régionales, etc.) fonctionnent encore de manière peu digitalisée. D’après une analyse du Crédoc, l’industrie agroalimentaire fait partie des secteurs ayant du mal à prendre le virage du numérique. Par exemple, le recours aux outils d’intelligence artificielle y est le plus faible de tous les secteurs industriels, avec seulement 6 % des PME agroalimentaires ayant adopté des solutions d’IA (contre ~13 % en moyenne tous secteurs). Cela suggère un niveau global de digitalisation limité dans ces entreprises (peu d’automatismes avancés, de collecte de données ou d’analyse intelligente dans les processus).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce retard : un parc machine parfois ancien, une main d’œuvre peu formée aux nouvelles technologies, ou encore l’absence de solutions logicielles abordables et adaptées aux petites structures de production. Souvent, la traçabilité, la gestion de stock/matières premières et la gestion qualité sont encore réalisées via des méthodes manuelles ou des logiciels génériques non intégrés. Pourtant, le vivier d’entreprises est réel – le secteur industrie a vu plus de 70 700 créations d’entreprises en 2024 (toutes industries confondues), incluant de nombreuses petites entreprises agroalimentaires (transformateurs bio, producteurs locaux, etc.). Ces nouvelles PME pourraient tirer parti de solutions numériques verticales conçues pour l’artisanat industriel : par exemple, des progiciels de gestion de production à échelle réduite (suivi des lots, gestion d’atelier, maintenance préventive simplifiée) ou des plateformes en ligne facilitant la commercialisation (ventes directes, e-commerce B2B pour les détaillants).
36 % seulement des TPE-PME de l’agroalimentaire vendent en ligne
Un autre frein actuel est la commercialisation numérique : 36 % seulement des TPE-PME de l’agroalimentaire vendent en ligne, un taux certes supérieur à d’autres secteurs en retard mais qui montre qu’une majorité n’a pas encore de canal digital de vente. En développant des outils (sites marchands clés en main pour producteurs, intégration à des marketplaces alimentaires) et en automatisant certaines tâches (étiquetage connecté, gestion des commandes web, etc.), ces petites industries gagneraient en visibilité et en efficacité. L’IA verticale peut aussi les aider, par exemple via des systèmes de contrôle qualité automatisé (détection de non-conformités sur une chaîne artisanale) ou de l’analyse prédictive pour la gestion des stocks périssables. En somme, les PME manufacturières traditionnelles – et notamment agroalimentaires – constituent un terrain fertile pour des solutions numériques spécialisées, leur permettant de combler leur retard et d’améliorer leur compétitivité.
5. Services à la personne et petites entreprises de services locaux
Les services à la personne – c’est-à-dire les entreprises offrant des services aux particuliers (aide à domicile, ménage/repassage, garde d’enfants, soutien scolaire, etc.) – sont un autre secteur encore peu digitalisé dans ses modes opératoires. Seulement 13 % des entreprises de services à la personne proposent la vente ou le paiement en ligne de leurs services, un des plus bas taux tous secteurs (car ces prestations sont souvent vendues de gré à gré ou via des intermédiaires physiques). Historiquement, bon nombre de micro-entreprises de ce domaine gèrent leur activité de manière artisanale : prise de rendez-vous par téléphone, plannings sur agenda papier, factures sur Word/Excel, etc. Le secteur est en outre très fragmenté, avec une multitude de TPE unipersonnelles ou de petites associations, ce qui ralentit l’adoption d’outils numériques uniformes.
Il est intéressant de noter que malgré ce retard fonctionnel, les dirigeants de services à la personne sont conscients des enjeux du numérique. En 2023, 83 % des entreprises de ce secteur voyaient le digital comme un levier positif pour leur compétitivité. Beaucoup ont fait des efforts sur la visibilité en ligne : création de sites vitrines, pages sur les réseaux sociaux, campagnes d’emailing locales, etc. En témoigne le fait que 68 % des sociétés de services à la personne déclarent attirer au moins 5 % de leurs clients via Internet, un pourcentage élevé (même supérieur à la moyenne). Cela signifie que ces structures utilisent Internet pour trouver des clients (annuaires, petites annonces, plateformes de mise en relation). En revanche, leur outillage interne reste peu automatisé.
En 2023, 83 % des entreprises de ce secteur voyaient le digital comme un levier positif pour leur compétitivité
Tech Ethic
Le potentiel de transformation est donc grand. D’abord, le secteur est en croissance continue : en 2024 on a compté environ 87 600 créations dans les “autres services aux ménages” (catégorie englobant de nombreuses activités de service à la personne), sans compter les créations dans la santé et l’action sociale de proximité. Chaque jour de nouveaux entrepreneurs lancent des structures de garde d’enfants, d’aide aux seniors, de coaching sportif, etc. Pour ces milliers de petites entités, des outils numériques dédiés pourraient simplifier radicalement la gestion quotidienne. Par exemple, on peut imaginer des plateformes ou applications permettant : la planification automatisée des interventions (matching intelligent entre clients et prestataires disponibles, optimisation des tournées de visites à domicile), le suivi en temps réel des prestations (pour informer les familles, pointer les heures effectuées), ou encore la facturation et paiement en ligne sécurisés (ce qui manque aujourd’hui à la majorité, d’où le faible taux de paiement en ligne constaté).
Les technologies d’IA pourraient apporter une valeur ajoutée supplémentaire, par exemple sous forme d’assistants virtuels gérant les demandes clients 24/7 (chatbot pour prise de rendez-vous ou FAQ sur les services), ou d’outils prédictifs anticipant les besoins (par exemple, suggérer un remplaçant automatiquement en cas d’indisponibilité d’un intervenant prévu). Étant donné la nature répétitive de certaines tâches (ex : planifier chaque semaine l’aide ménagère chez des dizaines de clients), l’automatisation via des logiciels spécialisés ou de l’IA permettrait de dégager du temps humain pour se concentrer sur la qualité du service. En somme, le secteur des services à la personne – encore peu numérisé dans ses processus internes – représente une opportunité majeure pour des solutions digitales verticales facilitant l’organisation, la gestion administrative et la mise en relation client-prestataire.
Conclusion
En conclusion, l’agriculture, le bâtiment, le transport/logistique, l’industrie agroalimentaire artisanale et les services à la personne ressortent comme cinq secteurs clés où la numérisation des PME est en retard en France. Chacun de ces domaines compte de nombreuses petites entreprises (souvent créées récemment) qui n’ont pas encore pleinement intégré les outils digitaux dans leur fonctionnement quotidien. Les raisons varient – manque de solutions adaptées, offre trop dispersée, faible culture numérique, nature très traditionnelle de l’activité – mais le constat est le même : il existe un fossé numérique à combler.
Pour des sociétés comme Altcode Solutions, ces secteurs peu digitalisés représentent autant d’opportunités de créer des logiciels et des outils d’IA “verticalisés” répondant à des besoins précis : gestion de ferme ou de chantier, optimisation de tournées de livraison, suivi de production artisanal, coordination de services à domicile, etc. Les statistiques et études récentes montrent un intérêt croissant des petites entreprises pour le numérique, mais aussi des freins persistants. En développant des solutions simples, interopérables et centrées sur les usages de ces métiers, il est possible d’aider ces PME à franchir le pas de la digitalisation. Cela améliorerait non seulement leur efficacité et leur compétitivité, mais contribuerait aussi à l’essor d’une économie plus connectée, y compris dans les secteurs jusque-là en marge de la révolution numérique.

Sources : Baromètres France Num 2023-2024, analyses du Crédoc et de la DGE, données Insee sur les créations d’entreprises 2024, rapports et articles sur la digitalisation des TPE-PME françaises, etc. Les données citées illustrent le retard numérique relatif de ces secteurs et soulignent le potentiel pour des outils digitaux adaptés. Toutes convergent vers le même constat : il reste beaucoup à faire pour accompagner ces petites entreprises vers le numérique, ce qui constitue un enjeu économique et un champ d’innovation pour les années à venir.